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Interview

Miguel Stevens (ex-président VBL) : « La VBL est ingouvernable »

L’ex-président de la  VBL vide son sac

Miguel Stevens : « La VBL est totalement ingouvernable »

« La scission en deux ailes linguistiques, opérée il y a 13 ans, est la pire chose qui soit arrivée au basket belge », estime-t-il.

 

Une grande ferme à la périphérie d’Ypres. C’est là que vit Miguel Stevens, vétérinaire de profession et désormais ex-président de la VBL, la Vlaamse Basketbal Liga. Il n’est resté en place que l’espace de six mois. Défenestré par un vote de défiance le 23 juillet, il éprouve manifestement le besoin de vider son sac et n’épargne personne.

Miguel, votre mandat à la tête de la VBL fut bref…

M.S. : – Entamé au mois de janvier, il s’est terminé le 23 juillet. En six mois, il n’y a jamais eu autant d’assemblées générales que cette année. Normalement, il y en a deux, parfois trois. Cette année, il y en a eu six. La VBL est totalement ingouvernable. Certaines personnes, au sein de ces assemblées générales, ne se préoccupent pas le moins du monde du basket. Seul leur intérêt personnel  les préoccupe. Les provinces se font la guerre entre elles, l’intérêt général passe au second plan. Certaines provinces sont dominées par une seule personne et n’emmènent à l’assemblée générale que des gens qui voteront dans le sens qu’elles souhaitent. La VBL compte 40 représentants, dont 20 sont invités à voter : 6 pour la province d’Anvers, 4 pour les deux Flandres (Occidentale et Orientale), 3 pour le Limbourg et le Brabant flamand. On ne vote quasiment jamais pour un projet, ce sont surtout des règlements de compte entre personnes. Tout le monde s’accorde à dire que cela ne peut pas continuer ainsi, mais personne ne veut changer le système car chacun craint que sa part de pouvoir soit alors érodée.

C’est une voie sans issue puisque ce sont les parlementaires eux-mêmes qui votent…

M.S. : – Exactement. C’est comme s’Ils devaient voter en faveur de leur propre éviction. Mais ce n’est pas tout.  La plupart de ces parlementaires n’ont aucune vision à long terme. Un homme m’irrite profondément : Fred Van den Eynde, membre du conseil d’administration après avoir été de nombreuses années parlementaire, dont la vision ne dépasse pas le bout de son nez. Il s’occupait du département Top Sport en 2011 et 2012. Je suis entré moi-même au Conseil d’Administration en 2012, comme simple membre, et j’ai signalé que ce département Top Sport m’intéressait. Je me suis occupé de l’équipe nationale dans le passé et mon fils Stijn a fréquenté, un moment, une école Top Sport. Je pensais donc être compétent pour améliorer certaines choses. Fred Van den Eynde l’a très mal pris et a mobilisé toute sa province pour qu’on vote contre moi. J’ai posé ma candidature pour la présidence de la VBL en novembre 2012. J’étais le seul candidat, j’aurais donc théoriquement dû être élu sans problème. Mais celui qui joue le président de l’assemblée générale était à l’époque Eric Schuermans : un autre de mes meilleurs ennemis, car j’estime qu’il est en train de détruire complètement le basket en Flandre. Lors du vote, j’ai obtenu 10 voix sur les 20. Un score qui reflète la division qui règne au sein de la VBL. 10 voix, ce n’était pas assez pour être élu: il me fallait une majorité. La VBL s’est donc retrouvée sans président. Une assemblée générale extraordinaire a été convoquée en janvier 2013 pour un nouveau vote. Cette fois, j’ai obtenu 12 voix sur les 20. Pourtant, Schuermans avait cru bon d’insinuer devant l’assemblée que, 20 ans plus tôt, j’avais été bouté hors de la FRBSB pour fraude financière. Je tiens à rappeler que : 1° Je n’ai jamais été bouté hors de la FRBSB. 2° Il n’a jamais été question de fraude financière. Simplement, certaines personnes – surtout des parlementaires jaloux – n’étaient pas d’accord avec ma gestion, parce que je rétribuais le staff de l’équipe nationale. J’ai donc été élu, mais vous imaginez le climat de suspicion qui régnait à mon égard. J’avais un programme : dans un délai de quatre ans, je voulais améliorer la communication, et opérer un rapprochement avec les autres instances du basket belge. A savoir, la FRBSB (Fédération Royale Belge des Sociétés de Basketball), l’AWBB (Association Wallonie-Bruxelles de Basketball), la BLB (Basketball League Belgium) et le comité qui gère l’équipe nationale.  J’estime, en effet, que la scission en deux ailes linguistique, opérée il y a 13 ans, est la pire chose qui soit arrivée au basket belge.

Toutes les fédérations sportives du pays ont fini par se scinder. Même le hockey y est passé…

M.S. – Oui, mais le hockey  a conservé une Coupole fédérale forte. C’est loin d’être le cas en basket, où tout le pouvoir réside désormais dans les ailes linguistiques. Conséquences : 1° On ne peut plus rien entreprendre sous l’égide de la FRBSB car on craint les conséquences financières d’un procès qui dure depuis 13 ans. 2° Au sein de la VBL – je ne sais pas si c’est également le cas à l’AWBB, car je ne connais pas suffisamment la situation interne – on trouve certaines personnes qui cherchent constamment le conflit avec les autres instances. C’est le cas de Schuermans (un Brabançon), mais également de Laeremans : un Anversois très influent dans sa province qui souhaite étendre au sport la politique de la N-VA et qui est allergique à tout rapprochement avec l’AWBB. Lorsqu’on veut évoquer le basket national, il coupait court immédiatement : – Stop, ici on ne parle que du basket flamand !

Vous n’aviez donc pas que des amis au sein de la VBL ?

M.S. : C’est le moins que l’on puisse dire. Le problème, c’est que Schuermans fait partie de l’Assemblée générale. Lorsque celle-ci s’est tenue en mars, il a fait un plaidoyer d’un quart d’heure contre moi, en révélant toutes les choses que je n’avais pas encore réalisées. J’avais pris la présidence deux mois plus tôt, rappelons-le. D’abord, c’était un délai très court. Ensuite, j’avais commencé mon mandat avec un déficit budgétaire de 200.000 euros, ce qui réduisait considérablement ma marge de manœuvre. Je le reconnais, je n’avais encore réalisé qu’un seul projet : celui de remettre tous les arbitres sur le même pied. J’avais aussi des projets en ce qui concerne l’équipe nationale et les compétitions, mais cela ne plaisait pas à tout le monde car cela impliquait de toucher  à certains privilèges. Une autre assemblée générale s’est tenue en juin, celle de fin de saison, et Schuermans avait mis un point à l’ordre du jour : discussion au sujet du fonctionnement du Conseil d’Administration.  Une note de quatre pages a été distribuée, entièrement contre moi : elle reprenait toute les mauvaises choses que j’avais faites selon lui durant mon court mandat. Pourtant toutes les décisions de conseil d’administration étaient prises avec au moins 4 voux des 5. Je soupçonne Fred Van den Eynde d’avoir rédigé cette note, car elle comprenait beaucoup de fautes de « dt », ce qui est typique chez lui. On a voulu passer au vote afin de m’évincer de la présidence, mais ce point ne figurait pas à l’ordre du jour. Schuermans a finalement convoqué une assemblée générale extraordinaire, le 23 juillet, où j’ai été évincé à 15 voix contre 5. Après coup, 9 personnes m’ont assuré qu’elles avaient voté pour moi. Parmi ces 9, il y en a donc 4 qui mentent ! A l’inverse, parmi les 15 qui ont voté contre moi, je suis persuadé qu’il y en a au moins 3 qui aurait voulu voter en ma faveur mais qui n’y était pas autorisées, suite à des pressions de la part de leur province.

Entretemps, vous n’êtes donc plus le président de la VBL ?

M.S. : – Non, et la VBL n’a d’ailleurs toujours pas de président à l’heure qu’il est. Il y avait deux candidats pour me succéder : Adri Welvaert et Eric Deneve. Le vote s’est clôturé par une égalité : 10/10. Encore une fois, cela témoigne de la division qui règne au sein de la VBL. Il y a donc actuellement une vacance du pouvoir.

Le problème des parlementaires, à savoir des représentants des clubs de Provinciale qui prennent des décisions concernant le basket professionnel, existait déjà avant la scission. Raison pour laquelle la BLB a été créée…

M.S. : – Oui, mais c’est encore pire aujourd’hui au sein de la VBL. Au sein du Conseil d’Administration, il y a quelques personnes compétentes. Adri Welvaert l’est sur le plan administratif. Bob Vrebosch s’occupe magnifiquement des arbitres et a aussi une vision à long terme. Eric Deneve a de l’expérience uniquement au niveau arbitrage. Mais pour le reste ?

Vous étiez donc partisan d’un rapprochement avec l’AWBB ?

M.S. : – Oui. Même si je reproche essentiellement une chose à Jean-Pierre Delchef, c’est d’avoir saboté les Young Cats pour créer le « Wallonia Basket », une association entre les clubs de Sprimont, Monceau et Braine qui disputera l’Eurocup, renforcée par les joueuses américaines de ces clubs. Parce qu’il est plus facile d’attirer de bonnes joueuses américaines en leur proposant de jouer l’Europe. Les Young Cats avaient été créées pour permettre aux futures internationales de s’aguerrir. Pas besoin de joueuses américaines pour cela. Les Young Cats disputeront encore l’Eurocup cette saison, mais après, c’est fini.

Vous étiez aussi partisan d’un rapprochement avec la BLB ?

M.S. : – Oui. A mes yeux, la BDL (Belgian Development League) ne ressemble à rien. De jeunes hommes de 22 ans y côtoient des gamins de 16 ans. Le seul avantage que j’y vois, c’est que la BDL est un excellent écolage pour de jeunes arbitres afin de se familiariser avec l’arbitrage à trois.

Le problème, c’est qu’avec la scission, les meilleurs jeunes d’Ostende ne peuvent plus affronter les meilleures jeunes de Charleroi, pour citer un exemple…

M.S. : – Effectivement et ce n’est pas bon. Seulement, lorsque j’évoquais au sein de la VBL la perspective de recréer une compétition nationale pour jeunes, je me heurtais directement à un veto : –Regardons d’abord dans notre assiette, était la réponse. Ces mêmes personnes poussent pour la suppression des D2 et D3 nationales, afin de jouer des compétitions exclusivement flamandes à l’exception de l’Ethias League. C’est ridicule : quand on habite à Ypres, comme moi, on est plus vite à Mons qu’à Houthalen. De même, les Liégeois sont plus rapidement dans le Limbourg qu’à Tournai. En fait, si l’on veut couper le pays en deux, la scission devrait être verticale plutôt qu’horizontale, mais la politique le veut autrement. Ici, on ne parle plus de sport. Moi, je m’en fous qu’on parle flamand, français ou esperanto. La langue du sport est universelle.

Et les rapports avec la direction de l’équipe nationale ?

M.S. : – Je trouve que l’équipe nationale devrait être dirigée par la FRBSB et pas par un comité indépendant. Jacques Ledure a réuni un certain budget, mais lorsqu’il le dépasse, il envoie la facture aux deux ailes linguistiques. C’est trop facile, cela. Et puis : lorsque je vois que Jacques Ledure invite des représentants de l’AWBB et de la VBL à Ljubljana, ne trouvez-vous pas que c’est le monde à l’envers ?

Si l’on en est arrivé là, c’est parce que la FRBSB n’entreprenait plus rien en faveur de l’équipe nationale…

M.S. : – C’est vrai, mais pourquoi ? Autrefois, il y avait un seul président qui décidait: ce fut jadis Philippe Verreydt, puis Cyriel Coomans lui a succédé. Aujourd’hui, à cause de cette fichue scission, si l’on veut entreprendre quelque chose, il faut l’accord de cinq présidents : celui la FRBSB, celui de l’AWBB, celui la VBL, celui de la BLB et celui de Jacques Ledure qui dirige l’équipe nationale.

Vous avez-vous-même été le manager de l’équipe nationale…

M.S. : – De 1993 à 1995, en effet. J’avais pris le relais de Léon Wandel après le Championnat d’Europe à Berlin. Ce n’était pas une période facile, car l’équipe nationale retournait dans le giron de la fédération et les moyens manquaient. Je me souviens, aussi, qu’on n’avait reçu l’accord de Malines pour prêter ses joueurs à l’équipe nationale que deux jours avant le début d’une campagne. Comment voulez-vous travailler, dans ces conditions ?

C’était le début de la période de vaches maigres pour les Belgian Lions…

M.S. : – Oui, et l’avenir n’est pas rose non plus, mais à qui la faute ? La BLB, qui jusqu’à preuve du contraire est chargée du basket professionnel, commence enfin à se rendre compte qu’elle a fait fausse route en érigeant une compétition où huit joueurs américains de seconde zone barraient le chemin aux jeunes joueurs belges. Cette notion de « basket spectacle » a généré beaucoup d’argent, mais cet argent allait dans les poches des joueurs américains et de leurs agents, mais pas dans le basket belge. Aujourd’hui, avec l’obligation de coucher les noms de six joueurs belges sur la feuille de match, on a déjà un peu rectifié le tir, mais ce n’est pas suffisant. Le basket a perdu de sa popularité. Pourquoi ? Le phénomène d’identification a disparu. Si vous allez voir un match d’Ostende une saison et que vous y retournez la saison suivante, tout a changé à part les maillots. Johnson a remplacé Jackson et McLaren a remplacé McIntosh, si vous voyez ce que je veux dire. En plus, l’instauration d’une ligue fermée est contraire aux habitudes belges, où l’on a l’habitude d’avoir une lutte contre la relégation qui pimente un peu le bas de classement.

Si l’on en est arrivé là, c’est parce que l’on ne trouvait plus de candidats à la montée de D2 en D1…

M.S. : – Effectivement, mais pourquoi ? Passer de D3 en D2, cela exige de doubler le budget. Difficile, mais possible. Passer de D2 en D1, cela exigeait de multiplier le budget par dix. Quasiment une mission impossible. On a fait un pas dans la bonne direction avec le passage à dix équipes, dont certaines alignent neuf Belges et trois Américains. Moi, je suis partisan d’un retour au système d’autrefois : 10 Belges et 2 Américains. Et un championnat avec deux descendants et deux montants. Le problème, c’est qu’il subsiste quelques équipes qui veulent à tout prix jouer l’Europe, parce que la perspective de jouer l’Europe est une carotte pour attirer de meilleurs joueurs américains. C’est la seule raison, car cela rapporte quoi ? Je suis allé voir un match européen à Alost et la salle était à moitié vide, alors qu’il y a une liste d’attente pour les abonnements en championnat…

Et les écoles Top Sport, n’étaient-elles pas destinées à former des jeunes talents ?

M.S. : – Mon fils les a fréquentées pendant six ans et il a fait des progrès énormes au niveau sportif mais avec quoi en est-il ressorti à part d’être un bon joueur ? Rien, même pas un diplôme d’entraineur C. Progressivement, les clubs ont d’ailleurs voulu faire concurrence aux écoles Top Sport, à l’image d’Ostende. Ce que fait Louvain actuellement, c’est très bien : ils laissent les jeunes de moins de 18 ans sous l’égide du Top Sport, puis les prennent en charge. Au niveau des entraîneurs, le Top Sport vient de perdre Paul Vervaeck. Si les U20 ont terminé 4e du dernier Championnat d’Europe U20, avec une équipe en laquelle peu de gens croyaient, c’est en grande partie grâce à lui. Dans d’autres domaines, on n’évolue pas non plus. Je voulais, par exemple, que les élèves des écoles Top Sport reçoivent des cours sur la manière dont un arbitre réfléchit et siffle. Johnny Jacobs été disposé à donner ces cours, mais l’idée n’a pas été realisée.

 

Daniel Devos (inforbasket)

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