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Interview

Giovanni Bozzi : « Terminer sous les huées du public, c’est dur »

Eliminé par Anvers, tant en Coupe qu’en playoffs

Giovanni Bozzi : « Terminer sa carrière sous les huées du public, c’est dur »

Lors de la dernière journée du championnat classique, il suffisait au Spirou Charleroi de battre Liège à domicile pour terminer deuxième et, donc, se qualifier directement pour les demi-finales des playoffs. Il n’y est pas parvenu et a donc été contraint d’affronter Port of Antwerp Giants au premier tour. Une équipe qui a terminé sixième (la plus faible, sur papier, des six prétendants au titre) et avec, en prime, l’avantage du terrain. Mais une équipe qui avait déjà éliminé le Spirou en demi-finale de la Coupe de Belgique. Nouvelle désillusion : malgré un premier succès à domicile, Charleroi a perdu les deux matches suivants, et a été éliminé sans gloire ce dimanche : 70-86, après avoir pourtant mené 7-0 en début de match mais avoir été mené par un écart maximal de 18 points à 41-59. C’est donc de cette manière que s’est terminée la longue carrière de coach de Giovanni Bozzi, appelé à reprendre la présidence. Pour la troisième année d’affilée, Charleroi se retrouve sans trophée. Et le public du Spiroudôme, pourtant clairsemé, n’a pas manqué de faire entendre son mécontentement.

Giovanni, vous aviez sans doute rêvé d’une sortie plus glorieuse?

Bozzi : – A votre avis ? Sortir sous les huées du public, et terminer sa carrière de cette façon, c’est sûr, cela fait plaisir ! Mais il n’y a rien à faire. Les gens sont faits ainsi. C’est aussi une école de vie pour moi. Beaucoup de personnes vont sans doute retenir les deux dernières années, qui ont été difficiles : ce sont les plus fraîches dans la mémoire. J’espère cependant que certains se souviendront aussi de ce qu’il s’est passé avant, avec beaucoup de beaux moments.

Si vous deviez n’en retenir qu’un seul, lequel serait-ce?

Bozzi : – Difficile à dire, car il y en a eu tellement. Je retiens que j’ai eu la chance de rencontrer des personnes qui m’ont permis de vivre ma passion. Des personnes aux valeurs humaines prononcées, comme Eric Somme, Benoît Cuisinier, ou quelqu’un qui nous a malheureusement quittés : Jean Joly. Et, tout au long de ce parcours, il y a eu un fil conducteur, un homme qui m’a guidé et qui me regarde toujours, de là-haut : mon papa.

C’est peut-être celui-là, « le » moment de votre carrière : cette Coupe de Belgique, conquise en 2004 durant le week-end où votre papa est parti, reste à ce jour le seul trophée remporté par Liège. Il vous avait aussi valu, en fin de saison, votre quatrième titre de Coach de l’Année (après ceux de 1991, 1998 et 1999)…

Bozzi : – Ce fut un week-end terrible, d’un point de vue émotionnel. Fait à la fois de joie et de tristesse. Mais c’est peut-être l’énergie transmise par mon papa avant de s’en aller qui a transcendé mes joueurs et leur ont permis de brandir cette coupe.

Vos réponses reflètent votre personnalité : l’aspect humain revient toujours au premier plan…

Bozzi : – Les valeurs humaines m’ont guidé tout au long de ma carrière. Certains coaches préfèrent sans doute manier le fouet pour faire avancer leurs joueurs. Moi, j’ai toujours essayé de les responsabiliser. J’ai bâti ma carrière sur le respect des gens, en espérant qu’ils me le rendent. J’ai peut-être fait fausse route en certaines occasions. J’ai sans doute commis des erreurs, qui n’en commet pas ? Je pourrais rejeter la responsabilité sur d’autres, mais en tant que coach, j’étais à la tête de cette équipe, donc j’assume : j’ai aussi ma part de responsabilités dans l’échec de cette saison.

Qu’est-ce qui n’a pas marché contre Anvers ?

Bozzi : – Au vu des 70 points marqués, certains penseront sans doute que le problème se situait au niveau offensif. J’estime, au contraire, qu’il se situait au niveau défensif. Des joueurs comme Frank Turner et Roel Moors aiment créer et pénétrer, nous n’avons pas été capables de les arrêter. Un joueur comme Ryan Pearson brille à l’intérieur tout en étant capable de tirer à trois points. Lui non plus, nous n’avons pas su le neutraliser.

On s’est étonné de voir Daryl Watkins moisir aussi longtemps sur le banc…

Bozzi : – Il était notre meilleur joueur en zone offensive, mais notre pire joueur en zone défensive. Avec les « efforts » qu’il fournissait, le match aurait pu se terminer après cinq prolongations sans qu’il ne doive sortir pour cinq fautes. J’ai donc préféré aligner un « cinq » de petite taille, et cela a fonctionné jusqu’à un certain point puisque, sans lui, nous sommes revenus de -18 à -8.

Ce match n’était-il pas le reflet de toute la saison ?

Bozzi : – Oui, sans doute. Les lacunes constatées étaient déjà visibles pendant la saison régulière et n’ont jamais pu être gommées. Il y a sans doute eu des erreurs de recrutement, mais pas uniquement. Ces joueurs n’étaient tout simplement pas programmés pour gagner des titres.

Vous voulez dire : techniquement, physiquement ou mentalement ?

Bozzi : – Surtout mentalement. Mon collègue Paul Vervaeck a déclaré qu’Anvers avait émergé grâce à ses « guerriers ». De notre côté, nous n’avons jamais eu de guerriers. Ni de véritable collectif. D’autres joueurs, qui ont eux une mentalité exemplaire, ont voulu compenser et se sont aussi brûlé les ailes. Je pense à Demond Mallet, que j’adore mais qui n’a pas livré une saison comparable aux précédentes. Dans les sports d’équipe, il y a souvent des cycles. Nous sommes peut-être arrivés à la fin d’un cycle. A côté de cela, on peut me reprocher de ne pas avoir trouvé la bonne formule et j’assume.

A votre décharge : vous avez été privé, durant quasiment toute la saison, Christophe Beghin, Sacha Massot et Jorn Steinbach…

Bozzi : – Je suis heureux de vous l’entendre dire. Je ne suis pas du genre à chercher des excuses, mais ces absences de longue durée ont conditionné toute la saison. Pour notre malheur, elles concernaient trois joueurs belges. Nous avons dû les remplacer par des étrangers, et Joe Trapani nous a apporté de belles satisfactions au poste n°4, mais l’effectif a été déséquilibré. Et, vu l’obligation de coucher les noms de six joueurs belges sur la feuille de match, nous avons souvent dû tourner avec un effectif réduit. L’absence de Jorn Steinbach, qui n’a quasiment pas joué pendant deux ans, nous a aussi été préjudiciable. Nous avons cru, à plusieurs reprises, qu’il reviendrait, et nous avons chaque fois dû déchanter.

Et maintenant : d’abord digérer cette élimination, puis préparer la saison prochaine ?

Bozzi : – Nous n’avons pas attendu cette élimination pour nous remettre en question. Et nous avons déjà commencé à travailler pour la saison prochaine. Mais, c’est vrai, je vais maintenant m’atteler à d’autres fonctions. J’espère qu’elles me vaudront autant de satisfaction que celles que m’a procurées ma carrière de coach.

Daniel Devos

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