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La Belgique peut toujours rêver de Tokyo

L’objectif (minimal) que s’étaient fixé les Belgian Cats au Championnat d’Europe était le Top 6. Parce qu’il garantissait une qualification pour le tournoi pré-olympique. Il a été atteint. Pourtant, nos représentantes ont le droit de nourrir des regrets. Elles auraient pu conquérir une nouvelle médaille, et même d’un métal plus précieux que le bronze qu’elles avaient décroché de haute lutte à Prague en 2017. A deux reprises, elles ont laissé échapper un succès qui leur tendait les bras. Contre la Serbie d’abord, lors du dernier match de poule. Contre la France ensuite, en quart de finale.

Tout avait pourtant commencé de la meilleure manière, par un succès probant contre la Russie : 67-54. Il y a deux ans, à Prague, nous avions battu les Russes d’un point après prolongation. On se disait que nos adversaires n’allaient pas tomber deux fois dans le même piège. Or, non seulement nous avons encore gagné, mais cette fois sans trembler : avec 13 points d’écart. Déjà, cependant, les forces et faiblesses des Belgian Cats sont apparues au grand jour dans ce match. Les forces, d’abord. Ou plutôt laforce principale : Emma Meesseman. La joueuse d’Ekaterinbourg et des Washington Mystics s’est fendu d’une feuille de statistiques de 29 points et 9 rebonds. Difficile d’être plus dominante. Les faiblesses, ensuite. D’abord le rebond (40 à 46) : les Russes ont inscrit 10 points sur deuxième chance, contre 2 seulement aux Belges. Et aussi l’imprécision à distance : 5 sur 19 à trois points, soit 26%. Même Kim Mestdagh, pourtant spécialiste en la matière, n’a pu faire mieux que 1 sur 7.

Le deuxième match, contre la Biélorussie, était théoriquement le match le plus abordable de cette « poule de la mort ». Celui dont on s’était dit, au départ, qu’il fallait absolument le gagner. Pourtant, il a tourné à notre confusion : 61-69. Une fois encore, les mêmes problèmes sont réapparus : nous avons été dominées au rebond (37 à 43) et nous avons fait preuve d’imprécision à distance (7 sur 25, soit 28%). Cette fois, pourtant, Kim Mestdagh avait retrouvé sa « patte » : 5 sur 8. Mais Julie Vanloo était à 0 sur 2, Antonia Delaere à 0 sur 4 et Julie Allemand à 0 sur 6. Emma Meesseman, pourtant en difficulté par moments, est restée le danger principal : 22 points et 9 rebonds. A 30 secondes de la fin, alors que nous étions larguées, Philip Mestdagh a pris un temps-mort qui, au premier abord, pouvait paraître inutile, mais qui après coup, s’est révélé crucial. Il a demandé à ses joueuses qu’à défaut de gagner, elles soignent le goal-average. De 56-69, nous sommes passés à 61-69 dans la dernière minute. L’air de rien, c’est cela qui nous garantissait une place dans les trois premiers du groupe (et donc au moins aux barrages) avant même de jouer le troisième match.

Ce troisième match, il nous a opposé à la Serbie, le pays organisateur. L’enjeu était tout simplement la première place du groupe. Et, face à l’équipe locale portée par son public, nous avons mené pendant 31 minutes. Avec une avance maximale de 10 points à 26-36. Mais, dans les dernières secondes, nous avons laissé échapper une victoire qui nous tendait la main. Cela s’est joué sur des détails, comme toujours dans les matches serrés : un panier facile raté, une rentrée en touche envoyée dans les mains de l’adversaire… Résultat : 66-70 (en fait 66-67, car les Serbes ont réussi un panier miraculeux envoyé au buzzerdepuis le milieu du terrain). Et toujours le même constat : nous avons été dominées au rebond, de manière encore plus flagrante qu’avant : 36 contre 49. Et notre précision à distance a encore chuté : 3 sur 19. Pire : les trois paniers primés réussis étaient tous l’œuvre de Kim Mestdagh. Les autres joueuses, mises ensemble, en étaient à 0 sur 11.

Nous voilà donc deuxièmes. Des supporters avaient calculé que cette deuxième place était peut-être la plus favorable, car elle nous permettait d’éviter l’Espagne avant la finale. Certes. Mais, avant de rêver de finale, il fallait se farcir un barrage. Puis, en cas de succès, la France en quart de finale.

Le barrage, face à la Slovénie, n’avait à priori rien d’inaccessible. Pourtant, nous avons débuté la rencontre de manière catastrophique : 12-27 en début de deuxième quart-temps. Cette équipe slovène n’avait pourtant rien d’un foudre de guerre, on s’en apercevait malgré les chiffres mentionnés au marquoir. « Mais je n’avais jamais vu de joueuses aussi stressées », précisa Philip Mestdagh. Les joueuses elles-mêmes le confirmaient : « C’était du do or die, et on n’avait pas envie de rentrer en Belgique », expliqua Antonia Delaere. Les Slovènes, qui avaient visiblement visionné nos matches précédents, avaient pris le parti de surveiller de près Emma Meesseman, en s’y mettant parfois à deux ou à trois. Et accessoirement Kim Mestdagh. Elles avaient, en revanche, laissé le champ libre à Julie Allemand, peu en réussite à distance jusque-là. Et la Liégeoise, championne de France avec Lyon, en a bien profité : 25 points, soit son record en équipe nationale. C’est elle qui nous a sorti d’un très mauvais pas. Car, lorsqu’elles eurent retrouvé leurs esprits, les Belgian Cats eurent tôt fait de revenir au score. A la mi-temps, elles menaient 34-32. Mais elles n’étaient pas au bout de leur peine. Les Slovènes, dont c’était la deuxième participation à un Euro, se sont accrochées jusqu’au bout. Les Belgian Cats sont passées par le chas de l’aiguille, en s’étant fait très peur : 72-67.

Voilà donc nos représentantes qui retrouvaient la France en quart de finale. Comme à Ténériffe, l’an passé. Les Bleuesétaient forcément revanchardes, après l’humiliation subie en Coupe du Monde au même stade de la compétition. Et elles le firent comprendre d’entrée de jeu : 9-24 après huit minutes. Chacun voyait déjà les Belgian Cats être mangées toutes crues. Pourtant, lorsqu’elles n’eurent plus rien à perdre, elles se sont libérées. Et elles ont retrouvé leur basket, en même temps que les Françaises faisaient du surplace. L’écart a fondu comme neige au soleil. A la mi-temps, nous étions revenues à 32-35. Mieux même : à cinq minutes de la fin, c’était 62-56 en notre faveur. La victoire nous tendait les bras. « Mais les Belges ont oublié de tuerle match », souligna Olivia Epoupa. Nous avions pourtant toujours la victoire au bout des doigts lorsque nous menions 66-63 à… 17 secondes de la fin. Pourquoi n’a-t-on pas commis la faute, afin d’empêcher le tir à trois points, sur la dernière attaque des Françaises ? Par peur de se voir siffler une intentionnelle ? Pourquoi avons-nous, une nouvelle fois, laissé échapper ce rebond alors qu’un premier tir à trois points des Bleuesavait tourné sur le cercle ? La deuxième tentative française fut la bonne : la naturalisée Bria Hartley a égalisé à 66-66, et les Françaises se sont baladées dans la prolongation, d’autant qu’Emma Meesseman était sortie pour trois fautes : 80-84.

Une victoire contre la France nous aurait offert la Grande-Bretagne, un adversaire abordable, en demi-finale. Et là, qui sait ? On s’attendait à voir des Belgian Cats cruellement déçues à la rentrée au vestiaire. C’était le cas de Julie Allemand, qui rêvait depuis des semaines de fêter son 23eanniversaire par une finale de Championnat d’Europe, le 7 juillet. Mais d’autres joueuses relativisaient. A la question de savoir si c’était la plus grosse désillusion de sa carrière, Kim Mestdagh a répondu : « C’est une désillusion, mais la plus grosse ? Je ne sais pas… » Idem pour Ann Wauters : « C’est dommage, cette défaite, mais je suis convaincue qu’en jouant de la même manière, nous pouvons battre la Hongrie dans le match pour le Top 6. »

Notre capitaine, qui est montée en puissance durant le tournoi après avoir démarré laborieusement après une saison blanche en club, résumait bien l’objectif des Belgian Cats : une médaille, elles en avaient déjà eu une à Prague, mais une participation aux Jeux Olympiques… Cela date de 1952 pour une équipe de basket belge.

Comme l’avait prédit Ann Wauters, le match contre la Hongrie (« Le match le plus important de l’histoire du basket belge », avait annoncé Koen Umans) a été facilement remporté : 72-56, malgré un nouveau départ catastrophique (0-9 après quelques minutes). Kim Mestdagh et Julie Allemand se sont montrées adroites, et Marjorie Carpréaux a également assuré le spectacle. Nous participerons donc bien à l’un des quatre tournois pré-olympiques, en février 2020. Peut-être à Anvers, puisque la Métropole s’est portée candidate. Il y aura quatre groupes de quatre équipes, et les trois premiers de chaque groupe seront qualifiés. Osons rêver…

Daniel Devos

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