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EuroBasket 2017

Les 10 leçons à retenir de l’EuroBasket 2017

 

Les 10 leçons de l’EuroBasket 2017

 1.     La grande histoire d’un petit pays

La Slovénie est un petit pays de 2 millions d’habitants, mais fou de basket. On a pu s’en apercevoir, en 2013, lorsqu’elle avait organisé le Championnat d’Europe à Ljubljana. Cette année, on s’est rendu compte dès les premiers matches qu’il faudrait compter avec elle. De là à remporter le titre, il y avait cependant de la marge. Depuis son indépendance, en 1991, la Slovénie n’avait jamais remporté de médaille. Et voilà que la première médaille conquise est d’or. Mais, cette médaille d’or, elle l’a amplement méritée. La Slovénie est restée invaincue durant tout le tournoi. Et elle a enchaîné les matches de grande qualité. En huitièmes de finale, elle a atomisé l’Ukraine sur le score de 79-55. Le quart de finale contre la Lettonie – un autre petit pays où le basket est roi – fut sans doute le plus beau match du tournoi : 103-97 et un régal pour les yeux, qui fit dire aux commentateurs français de Canal+: « On a envie que ce match ne s’arrête jamais ». En demi-finale, face à l’Espagne hyper-favorite, la Slovénie a bluffé tous les observateurs : elle l’a emporté… 92-72. Et que dire de la finale, disputée dans une arène sold out et dans une ambiance de folie malgré l’absence de la Turquie ? La première mi-temps, surtout, a été d’une qualité rarement atteinte. Après 20 minutes, Goran Dragic avait déjà inscrit 26 points (dont 20 dans le deuxième quart-temps). C’est simple : dans la tribune des commentateurs, George Eddy a applaudi les équipes à leur rentrée aux vestiaires. La Slovénie a, un moment, accusé le coup lorsque Luka Doncic – déjà une star du basket européen à 18 ans à peine – a dû sortir sur blessure, mais elle a finalement émergé dans un money-time haletant : 93-85.

La Slovénie, petite république de l’ex-Yougoslavie, a donc battu la grande Serbie, à laquelle elle a longtemps été rattachée. Ironie du sort : son coach, Igor Kokoskov, est… Serbe, né à Belgrade. Est-ce la raison pour laquelle il n’a pas explosé de joie au coup de sifflet final, comme l’ont fait ses joueurs ? Il a tenu à rendre hommage à ses compatriotes : « Ils étaient privés de sept joueurs majeurs dans ce tournoi, mais ont lutté jusqu’au bout. »

Goran Dragic a logiquement été élu MVP. Il termine sa carrière en apothéose. « Cette médaille, on l’attendait depuis 25 ans. On en avait rêvé. Et elle est d’or ! Que demander de plus ? » conclut-il.

Le cinq majeur du tournoi est complété par Bogdan Bogdanovic (Serbie), Alexei Shved (Russie), Luka Doncic (Slovénie) et Pau Gasol (Espagne). Kristaps Porzingis aurait aussi mérité d’y figurer, mais comme la Lettonie a été éliminée en quart de finale…

2.     L’Espagne se contente de la médaille de bronze

Au départ, et encore plus lorsqu’on a découvert le tableau final, on s’était dit qu’on était parti pour une finale Espagne-Serbie. La Serbie a finalement terminé 2e et l’Espagne 3, battue par la Slovénie. « Je suis fier de mes joueurs », a cependant déclaré le coach Sergio Scariolo. « On a gagné 8 matches sur 9 dans ce tournoi, et on a su réagir après la cruelle désillusion subie contre la Slovénie en finale, pour décrocher malgré tout une médaille (ndlr : 93-85 contre la Russie, exactement le même score que celui de la finale). Nous n’avons pas été épargnés par les contretemps. Cela a commencé en préparation (ndlr : la blessure de Sergio Llull contre la Belgique) et cela s’est poursuivi pendant le tournoi, jusqu’au match de consolation. J’ai dû sortir temporairement Ricky Rubio et Marc Gasol, blessés. »

Si Goran Dragic a mis un terme à sa carrière internationale, c’est aussi le cas de Juan Carlos Navarro. « Je suis habité par un mélange de joie et de tristesse », a-t-il confié. « De joie, parce que je termine sur une médaille. Et de tristesse, parce que les meilleures choses ont une fin. Voilà 17 ans que je défends les couleurs de la Roja. Le meilleur souvenir ? Il y en a eu tellement, c’est difficile de faire un choix. Mais peut-être la Coupe du Monde 2006 au Japon, que nous avons remportée. »

3.     La Turquie encore trop tendre

Lorsque l’Eurobasket 2017 a été attribué à la Turquie, on s’était dit que ce pays figurerait sans aucun doute parmi les favoris, si pas à la victoire finale, au moins pour une place en finale. On a été loin du compte : les Turcs ont perdu trois de leurs cinq matches de poule (contre la Russie, la Lettonie et la Serbie) et étaient dans leurs petits souliers au moment d’affronter nos Belgian Lions, car une défaite les aurait éliminés. Ils ont finalement terminé 4e  du groupe, ce qui les a obligés à affronter l’ogre espagnol dès les huitièmes de finale. Malgré une volonté jamais prise en défaut, ils n’ont pas réussi à franchir le cap. L’équipe turque était sans doute trop tendre. Deux de leurs joueurs-phares, Cedi Osman et Kenan Sipahi, n’ont que 22 ans. Et même s’ils ont été champions d’Europe chez les jeunes, cela ne suffit pas encore au plus haut niveau.

4.     La France et la Lituanie, sorties trop tôt

La France et la Lituanie ont été les grandes victimes des huitièmes de finale. La France, championne d’Europe en 2013 et demi-finaliste en 2015 chez elle à Lille, est en pleine phase de transition. Tony Parker a arrêté sa carrière internationale après les Jeux Olympiques de Rio 2016 et une nouvelle génération doit prendre la relève. A l’Eurobasket 2017, les Bleus étaient en outre privés de Ronald Gobert. La France, qui avait pourtant laissé une très bonne impression lors du tournoi de Toulouse (avec la Belgique, l’Italie et la Monténégro, a souffert dans son groupe à Helsinki, où elle n’a terminé que 3e après avoir été battue d’entrée de jeu par le pays hôte, la Finlande. En huitièmes de finale, l’adversaire paraissait à sa portée. Les Bleus ont bien commencé contre l’Allemagne : ils menaient 19-10 au terme du premier quart-temps. « Puis, on a oublié de défendre », constate amèrement le coach Vincent Collet. Le capitaine Boris Draw, qui n’a pas voulu se prononcer sur son avenir en équipe nationale, a confirmé : « On encaisse 50 points en deuxième mi-temps, c’est beaucoup trop. »

La Lituanie, autre habituée aux podiums, a été sortie par une séduisante équipe grecque qui ne s’était pourtant qualifiée, in extremis, qu’à la 4e place de son groupe après une victoire contre la Pologne lors de la dernière journée.

La veille, un confrère lituanien nous avait confié son inquiétude : « Je ne suis pas serein : la Grèce est un rival costaud ». Les Lituaniens étaient, en effet, bien mal récompensés de leur première place dans le groupe de Tel Aviv. La Lituanie possédait-elle une bonne équipe ? « Oui, si tout le monde joue à son meilleur niveau », estimait notre confrère. Cela n’a pas été le cas, malgré l’apport de Jonas Valanciunas. Exit la Lituanie.

5.     Le patriotisme turc

L’ambiance était chaude, lorsque l’équipe turque jouait. Chaude, mais pas particulièrement hostile. L’hymne national de l’adversaire, par exemple, n’a jamais été sifflé, et il n’y a pas eu de débordements après les  quatre défaites. Pourtant, le patriotisme turc, c’est quelque chose. Tout le monde connaît l’hymne national, y compris les enfants : il fallait voir ce gamin de 7 ou 8 ans le chanter à tue-tête. Un confrère turc a allumé son ordinateur : sa page d’accueil était le… drapeau turc. Et lors du trajet de retour vers l’hôtel, le téléphone portable du chauffeur de la navette a sonné. La sonnerie était… l’hymne national turc.

6.     Une conférence de presse « à la russe »

Cela se passe à l’issue du match de poule perdu par la Russie contre la Lettonie. Déjà, cela commence mal pour le médiateur de la FIBA qui annonce : « Nous avons le plaisir d’accueillir MM. Boris Sokolovsky et Timofei Mozgov. » Le coach Sergei Bazarevitch se retourne : « Je ne suis pas Boris Sokolovsky ! Je sais qu’il a été coach pour la fédération russe, mais ce n’est pas moi… » Un ange passe. Le médiateur de la FIBA demande alors à Timofei Mozgov s’il peut livrer son analyse sur le match. « Non », répond le pivot. Il se tourne alors vers Bazarevitch qui, lui, daigne effectivement donner sa vision des événements. Puis, il se retourne vers Mozgov : « Souhaitez-vous ajouter quelque chose ? » Le pivot ne daigne même pas répondre « non », il se contente de hocher la tête de droite à gauche. Conférence de presse terminée.

7.     2m20, mais ça court, ça shoote…

Les plus anciens se souviennent sans doute du Soviétique Vladimir Tkatchenko, ce pivot russe de 2m20 tellement lourd et emprunté qu’il éprouvait des difficultés à se déplacer. Aujourd’hui, on peut mesurer 2m21 mais courir et shooter à trois points. Kristaps Porzingis en est le plus bel exemple : il est tout simplement injouable pour ses adversaires, et a sorti un match à 34 points (en quart de finale) et plusieurs autres matches à près de 30 points.

Toutes les équipes-phares, et même certaines autres plus discrètes, ont des pivots à 2m15 ou plus. Voici la liste des géants présents : Kristaps Porzingis (Lettonie, 2m21), Boban Marjanovic (Serbie, 2m21), Artem Pustovyi (Ukraine, 2m18), Giorgi Shermadini (Géorgie, 2m17) Ricardo Cervi (Italie, 2m17), Timofei Mozgov (Russie, 2m16), Tryggvi Hlinason (Islande, 2m16), Przemyslaw Karnovski (Pologne, 2m16), Dragan Bender (Croatie, 2m16), Pau Gasol (Espagne, 2m15), Marc Gasol (Espagne, 2m15), Ioannis Bourousis (Grèce, 2m15), Semih Erden (Turquie, 2m15). Après, il y  encore toute une flopée de joueurs à 2m14, 2m13, etc.

A côté d’eux, Axel Hervelle, Kevin Tumba et Ismaël Bako donnaient l’impression d’être des nains avec leurs 2m06.

8.     Peu de naturalisés

Contrairement à ce qui avait été le cas lors des éditions précédentes, principalement dans les pays de l’Est où obtenir un passeport est apparemment aussi facile qu’acheter une baguette dans une boulangerie, il y avait cette fois peu d’Américains naturalisés au Championnat d’Europe. On n’en trouvait ni dans les rangs russes, ni dans les rangs ukrainiens, ni dans les rangs géorgiens par exemple.

Le naturalisé le plus notoire se trouvait dans les rangs slovènes. Anthony Randolph est le fils d’un ancien militaire américain né à Würzburg comme un certain Dirk Nowitzki, et il a véritablement apporté un plus : d’une taille de 2m11 et capable de shooter à distance, il s’est montré efficace tout en se étant collectif. S’il n’a pas figuré parmi les vedettes de l’équipe comme Goran Dragic et Luka Doncic, il a largement contribué à la médaille d’or conquise par son pays d’adoption. Le sociétaire du Real Madrid a joué pour les Denver Nuggets et le Lokomotiv Kuban, mais jamais pour l’Olimpija Ljubljana ou un quelconque club de cette petite république de l’ex-Yougoslavie. On se demande donc par quel miracle il s’est subitement senti une âme de Slovène, mais bon…

A part, lui, on recensait aussi le distributeur Tyrese Rise dans les rangs du Monténégro. Lui, il est né à Richmond en Virginie et a joué pour le Boston College, les Artland Dragons, le Bayern Munich, le Lietuvos Rytas Vilnius et le Maccabi Tel Aviv, mais jamais pour le Buducnost Podgorica par exemple. Est-ce lors de vacances dans les bouches de Kotor qu’il est tombé sous le charme de ce petit pays niché au bord de l’Adriatique ? Il n’a cependant pas été d’un grand apport à son pays d’adoption, laminé 68-100 par la Lettonie en huitièmes de finale.

On ne saura jamais si la présence de Matt Lojeski aurait permis à la Belgique de sortir de son groupe. Lui aussi est naturalisé, mais au moins a-t-il joué cinq ans en Belgique (à Alost et à Ostende), et son fils Matthew est né chez nous…

9.     Des arbitres asiatiques et sud-américains

Le conflit entre la FIBA et l’Euroligue a conduit la FIBA à ne pas sélectionner d’arbitre Euroligue pour l’Eurobasket 2017. Renaud Geller n’était pas donc pas présent, ni aucun arbitre belge. Par contre, il y avait un commissaire de table belge, et il a eu droit à de beaux matches : Patrick Flament, très minutieux, a notamment contrôlé le bon déroulement des deux matches-phares en huitièmes de finale, Lituanie-Grèce et Turquie-Espagne. Un autre officiel belge était présent, d’abord à Tel Aviv puis à Istanbul pour la phase finale : Johnny Jacobs était instructeur des arbitres. Et, bien sûr, Cyriel Coomans – vice-président de FIBA Europe – était aux premières loges. C’est lui qui a remis les médailles au « cinq majeur » du tournoi.

La plupart des arbitres qui ont sifflé à l’Eurobasket 2017 étaient italiens ou originaires d’Europe de l’Est, mais certains étaient venus d’autres continents : un Japonais, un Philippin, un Portoricain, un Canadien, un Argentin, un Brésilien (qui était sifflet n°1 lors de la finale)…

Il faut dire que ce Championnat d’Europe s’est lui-même disputé, pour moitié, en Asie : la Fenerbahçe Arena est située dans la partie asiatique d’Istanbul et Israël ne fait pas davantage partie, à notre connaissance, du Vieux Continent.

10.  D’une ville à taille humaine à une métropole tentaculaire

Lors de leurs trois dernières participations à l’Euro, les Belgian Lions avaient joué dans des villes à taille humaine : Klaipeda en 2011, Ljubljana en 2013, Riga en 2015. Il y régnait une atmosphère festive et bon enfant : des fan-zones dans le centre-ville, des activités autour de la salle, une Belgian House mise sur pied par notre fédération. Rien de tout cela à Istanbul, une métropole tentaculaire de 17 millions d’habitants. Les deux salles utilisées (la Fenerbahçe Arena pour la phase de poule et la salle Sinan Erdem pour la phase finale) étaient deux magnifiques arènes ultra-modernes, mais elles étaient entourées de grillages, et la police et l’armée étaient omniprésentes. La sécurité était la principale priorité, et c’est logique dans le contexte actuel car Istanbul a été particulièrement touchée par les attentats. Même les joueurs devaient passer leur sac dans le détecteur de métaux en entrant dans la salle. Et lorsque le président Recep Tayyip Erdogan vient saluer l’équipe turque à l’entraînement avant le début du tournoi, là, tout était carrément bloqué.

 

 

Daniel Devos

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